Echauffourées dans la boue
Réussir à transformer une économie compétitive mais carbonée en
économie durable et tout aussi performante est donc très difficile.
La guerre en Ukraine et surtout les sanctions européennes qui ont
limité les arrivages de gaz naturel russe rendent l’équation encore plus
compliquée.
Le risque de manquer d’énergie est réel pour les Allemands.
Et dans ce contexte, le recours temporaire au charbon est apparu
comme une nécessité pour les autorités et de nombreux habitants.
Mais cela va à l’encontre de l’idéal écologique auquel une partie de la société allemande aspire, notamment la jeunesse.
Pour les militants, cette décision sonne comme un renoncement aux
engagements de lutte contre le changement climatique de l’Allemagne.
Cette tension s’exprime sur le terrain.
Policiers et manifestants se sont affrontés dans un véritable bain de boue à la mi-janvier. (12)
Les affrontements ont souvent été violents. Plus d’une vingtaine de militants ont été blessés.
Certains militants ont expliqué à la presse avoir été “battus par
les policiers à l'estomac et sur la tête" tandis que d’autres ont été
mordus par les chiens de la police. (13)
Si en France, ce type de comportement de la police ne surprend plus
personne depuis la représsion exercée contre les gilets jaunes, elle
est plus inhabituelle en Allemagne.
La police y est normalement mieux formée pour accompagner les manifestations. (14)
Ils ont aussi paru absurde lorsque les policiers lourdement équipés se sont retrouvés coincés dans la boue. (15)
Le rapt de l’égérie
C’est dans ce contexte, qu’une grande manifestation a été organisée
sur le site de la future mine par des associations environnementales.
Parmi les manifestants, Greta Thunberg, la célèbre militante suédoise, s’est retrouvée en première ligne.
Elle a déclaré depuis une tribune :
"Il est honteux que le gouvernement allemand conclut des
accords et des compromis avec des entreprises telles que RWE (...). Le
charbon de Lützerath doit rester dans le sol" (16)
Plus tard, dans la journée l’activiste s’est approchée de l’entrée de la mine.
La police a estimé que cette zone était dangereuse.
Et a procédé à des arrestations.
Greta Thunberg a également été arrêtée.
On la voit toute frêle, enlevée par de massifs policiers lourdement vêtus. (16)
Elle est seule. Ils sont deux. Elle est tête nue. Ils sont casqués et armés.
Elle reste impassible. Et se fait transporter.
L’arrestation de la jeune militante a attiré l’attention des médias du monde entier.
Ces images ne sont pas à la gloire de la police qui semble défendre un ordre ancien et dépassé.
Ainsi, le village de Lutzerath est devenu le symbole de la lutte
écologiste contre le monde d’avant, celui des petits calculs et du
court-termisme.
À l’évidence, la bataille de la communication a été perdue par la police et les autorités.
Les autorités ont dû se demander si elles avaient bien agi.
Reste que les débats sur l’énergie n’ont pas fini d’agiter la société.
1/5e des besoins énergétiques sont couverts par les énergies renouvelables.
Les allemands parviendront-ils réellement à transformer les 4/5e restants d’ici 2030 ?
Est-ce possible sans adopter un mode de vie plus sobre ?
Les paris sont ouverts.
Rendez-vous dans 7 ans !
Cet événement pose aux Européens des questions plus larges :
l’Europe est-elle capable à la fois de pousser des sanctions économiques
contre d’autres pays, de garder une économie compétitive et d’être un
modèle en matière d’émission de gaz à effet de serre ?
Ces sujets sont liés entre eux.
Le temps des choix est venu. On voit déjà qu’il ne vont pas être faciles.
Solidairement,
Julien
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